Pourquoi écrire?

Dans un interview de Ludmila Oulistkaïa, publié sur le journal La Croix (16 avril 2025), elle évoque la situation politique et socio-culturelle de son pays et sa position en tant qu’écrivaine. Elle considère que la notion de citoyen n’existe pas en Russie. Face à cette idée, le journaliste l’interroge sur la responsabilité de la littérature et de l'écriture dans le développement de la conscience citoyenne. Il lui rappelle le conseil qu’elle avait donné à toute l’humanité : écrire. Elle lui répond : « Je ne dis pas que chacun doit écrire un roman, mais que l’écrit est une façon de rassembler nos pensées. Les mettre en mots nous permet de fixer notre vie. Pour ce qui concerne la littérature, elle n’est qu’une nourriture que pour une petite partie de l’humanité. » 

Je reprends le conseil d’écrire car je pense que ce n’est pas une idée très populaire, surtout dans le monde actuel. L’image, sous forme de photo ou de vidéo, prend aujourd’hui une place importante dans la communication des idées. Un texte sans image n’attire pas notre attention. 

Les réseaux sociaux le savent et tirent parti de cette situation. L’oralité partage avec l’image la capacité d’entretenir le quotidien par des expressions rapides et suggestives, mais pas nécessairement réfléchies. Pour atteindre un niveau de réflexion plus élevé, la pensée a besoin de l’écriture. Elle a le pouvoir d’amener l’individu à se replier sur lui-même pour qu’il regarde aussi les choses avec toute son intelligence. 

 Celui qui écrit a le temps de méditer les choses intérieurement et de découvrir de nouveaux indices sur un sujet donné. L’écriture est une forme d’expression plus lente que l’oralité, bien sûr. Un amoureux devant sa bien-aimée ne manquera pas l’occasion de lui dire son amour spontanément. Il peut aussi choisir de lui écrire, mais devant elle, il doit savoir communiquer avec les codes qui correspondent au présent. 

 L’écriture révèle notre identité, ce que nous sommes. Elle rend transparente notre capacité de regarder le monde, les événements, la vie et à les communiquer. Grâce à elle, nous pouvons plonger dans nos sentiments, nos douleurs et nos grandes envies, et laisser entrer un peu de rationalité pour nous éclairer profondément. 

 Mais, elle est appréciée par une petite partie de l’humanité, comme nous le dit l’écrivaine. Aujourd'hui encore, certains n'ont ni les moyens ni la possibilité d'aller à l'école pour apprendre. D'autres, ayant eu tous les moyens, s'en sont désintéressés. 

 J’ai toujours écrit ce que les autres voulaient lire, comme dans l’enseignement, où pour réussir une matière, il faut reproduire les programmes. Grâce à cet exercice, je n’ai jamais eu peur de la feuille blanche devant moi. Beaucoup plus tard, j’ai commencé à expérimenter le plaisir d’écrire les choses que j’aimais raconter. Et lorsque cela produit une certaine émotion chez le lecteur, je peux me considérer comme payé. 

Avec l'écrivaine, je préconise l'écriture comme exercice d'intelligibilité et de partage de notre expérience humaine.