Et si c’étaient des espions... ?

 

La fiction et la réalité sont deux éléments entrelacés dans cet exercice d’écriture d’été. C’est l’histoire d’un homme qui démarre ses vacances avec son épouse dans le port de Vannes. Il tente de se déconnecter de son travail, mais se retrouve mêlé à une intrigue politique internationale.

La journée est propice pour faire du vélo. Un ciel voilé laisse apparaître un rayon magnifique et puissant qui éclair le port de Vannes. Quelques minutes plus tard, un soleil splendide décide de séjourner en gloire et majesté. Nous cherchons un endroit pour garer nos vélos et ainsi marcher tranquillement au milieu de la foule. Libérés de nos moyens de transport nous nous mettons à chercher un lieu pour manger. Les terrasses de la place Gambetta sont bondées de touristes partageant huîtres, poissons et autres délices culinaires.

En ce début de vacances les corps de ma femme et le mien ont du mal à se mettre en mode d’été. Au cours de cette période, outre les problèmes physiques, j’ai dû supporter les retards dans la livraison des marchandises, l’augmentation des crédits et surtout la flambée des prix de l’énergie à cause de la guerre en Ukraine, qui m’ont fait douter si je devais continuer dans l’importation des engins agricoles. Ma femme pour sa part, qui suit en détail le stage que notre fille ainée fait à Moscou, était très préoccupée par les derniers événements. La menace d’un coup d’État contre le gouvernement de Poutine, il y a quelques semaines, nous a donné l’impression que la guerre allait se propager dans la capitale russe avec des conséquences imprévues.

Un peu d’évasion s’impose, c’est même vivement conseillé. Je retrouve l’ambiance festive que caractérise la porte de St Vincent ouverte sur le port de Vannes. Il y a un mouvement incessant sous les parasols des terrasses des restaurants de la place Gambetta. Sans réfléchir mille fois, nous prenons le menu de L’Escale, une grande salade avec fromage de chèvre à partager avec un plat d’huîtres et un vin blanc chardonnay. Nous mangeons et partons aussitôt à la recherche d’un endroit plus calme.

À droite, sur le quai Tabarly, les touristes et le grand public flânent entre les stands des bouquinistes, des jeux anciens et des curiosités en cherchant un souvenir original.

À gauche, le quai Bernard Moitissier, a quelques arbres et des bancs pour s’asseoir. Nous partons avec des glaces. Nous pouvons enfin parler sans le bruit autour de nous. Nous passons en reveu les dates et les propositions de rencontres pour la semaine. Mon épouse prévoit une sortie en bateau avec nos amis belges qui seront là cette semaine. Une cousine parisienne viendra nous rendre visite un autre jour. La famille de notre fille aînée arrive en fin de semaine et nous devons faire quelques courses pour que tout soit bien préparé. J’acquiesce d’un signe de tête. Je la regarde en faisant abstraction de tout. Sa voix sereine me ramène à l’époque où nous nous sommes rencontrés lors d’une promenade en bateau. Elle continue à me séduire par son charme et sa beauté sans pareille.

De temps en temps je regarde les bateaux alignés en rang. Ils sont beaux, élégants, immenses. Plusieurs fois mon regard passe devant un yacht où deux hommes mangent un plat des fruits de mer sous le toit du pont. L’un a des traits orientaux tandis que l’autre est plutôt européen. J’affine mon regard et sur la manche de la chemise je distingue des lettres en cyrillique. Une idée me vient l’esprit et me paralyse. L’européen est un russe ! Et si tous les deux négocient un contrat entre une entreprise chinoise de drones militaires et l’armée russe? À 2 800 km de distance de Kiev, sur le sol français, dans le port de Vannes, deux hommes mangent tranquillement sur un bateau et signent un contrat qui aura des conséquences funestes sur le sort de millions de personnes.

Je réalise que mes problèmes d’approvisionnement en produits étrangers sont entre les mains de ces deux hommes et que je peux y faire quelque chose. De plus, je peux faire un act de justice pour la paix. Encouragé par les verres de chardonnay, j’élabore un plan pour faire avorter ce contrat.

Je demande à mon épouse de me suivre sans me poser des questions. Nous embarquons sur le bateau accosté à côté de celui des étrangers, comme si nous étions les vrais propriétaires, sans lever de soupçons. Grâce au reflet des lunettes de soleil de ma femme je vois que les hommes continuent de parler. Apparemment, ils n’ont rien repéré de bizarre. Ils parlent en anglais d’une île en Grèce et d’une telle Sophie. Je suppose que le plan doit porter ce nom. Je poursuis ma mission d’espionnage. Je demande à ma femme de chercher le téléphone du ministère de la Défense. Elle me regarde comme si j’étais malade. Je continue mon écoute, en essayant de tout enregistrer dans ma tête. Normalement, dans les films d’action il y a un chiffre, qui est aussi un code. Ils parlent d’une date le mois d’octobre. Je commence à rassembler les données tandis que ma femme est de plus en plus mal à l’aise. Je l’embrasse avec frénésie et lui chuchote à l’oreille mon plan. J’ai besoin qu’elle s’allonge sur le pont, près des hommes, de façon très naturelle comme si elle prenait le soleil. Il est nécessaire qu’elle attire leur attention, alors je lui demande de retirer son maillot. Je suis tout excité car bientôt je vais détruire le plan de guerre. Je suis content de savoir que ma femme me fait confiance. Elle s’allonge et remonte son maillot. J’en profite pour me cacher derrière la cabine. Je dois sauter sur leur bateau et trouver un document compromettant à remettre aux autorités Françaises. Avec un papier officiel entre les deux pays l’affaire sera entre les mains du ministère de la Défense et je pourrai continuer mes vacances. À mon retour je pourrai recevoir les livraisons et la guerre sera terminée.

Je vois que le plan commence à fonctionner, les hommes sont déconcentrés par ma femme. Je lui fais signe de remonter encore plus son maillot. La distance entre les deux bateaux est de deux mètres, peut-être trois ou quatre. Aucune importance. J’ai juste besoin d’une grande poussée pour sauter discrètement et rentrer dans la cabine. Je fais un dernier geste à mon épouse pour qu’elle enlève son soutien-gorge. L’asiatique s’est levé parce qu’il était petit et ne pouvait pas regarder. Tous les deux sont tombés dans le piège. Je les entends lui parler. Je me faufile autour de la proue du bateau, en faisant attention à l’endroit où je pose mes pieds. Ma femme fait semblant de ne rien écouter. Un, deux, trois, avec ma plus grande concentration d’énergie je me jette sur l’autre bateau. Cependant, je tombe à l’eau. Je m’agite comme un fou dans l’eau froide et nauséabonde. Je crie à tue-tête que ces hommes sont des espions, des trafiquants d’armes, des ennemis de la France. Je vois des gendarmes qui me lancent une bouée. Victoire ! Nous avons gagné ! Je regagne le quai. Ma femme, entourée des gendarmes, est rouge et prête à exploser.

Les hommes ont appelé la police. L’homme asiatique explique aux gendarmes que nous sommes monté à bord de son bateau alors qu’il déjeunait avec son ami. Soudain, ils nous ont vu nous embrasser et mon épouse se déshabiller. Après, ils m’ont vu dans l’eau, criant des incohérences. Les gendarmes nous passent les menottes. Les gens se concentrent sur le quai. Les officiers nous disent que nous soupçonnés de vouloir perpétrer un délit. J’essaie d’expliquer qu’il s’agit des espions, des ennemis de la France. 

Ma femme, à son tour, m’appelle par mon prénom.... Étienne, Étienne, Étienne.... 

Je me vois allongé sur le banc, il fait frais et ma femme me dit que je me suis endormi et qu’il est temps de rentrer à la maison.

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