Se retrouver avec un inconnu et parler de sujets clivants et passer un moment agréable est possible. Récit d’une expérience
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image journal La Croix |
Ce matin-là, je lisais le journal sereinement, sans regarder l’heure passer. Assis confortablement sur un fauteuil, j’étais plongé dans la lecture. L’éditoriale alertait contre les effets d’un dialogue politique qui fracturait davantage la société française. Sensibilisé par cette montée d’intolérance, j’ai vu la proposition du réseau social Brut « faut qu’on parle » une initiative positive. Sans hésiter, je me suis inscrit. Je n’avais pas peur de rencontrer quelqu’un qui pensait autrement. L'exercice consistant à écouter activement sans juger les paroles de mon partenaire m'a semblé être un acte civique de rapprochement social.
Peu après, j’ai reçu un message de la plateforme qui me donnait le prénom du partenaire et les réponses sur lesquelles nous étions en désaccord. Je savais que ma partenaire s’appelait Sophie et qu’elle avait à peu près le même âge que moi. J’ai lu ses réponses et j’ai accepté le jeu. Nous avons échangé des mails pour convenir de la date et du lieu de notre rencontre.
Le week-end précédent, à la date convenue, j’ai relu les questions, mes réponses et celles de Sophie. J’ai recopié nos réponses sur une feuille pour les relire. La date approchait et ma curiosité commençait à grandir. Et si notre dialogue échoue à cause de la fermeté de nos positions ? Et si mes arguments ne suffisent pas pour être convaincant ? Et si ses propos me deviennent insupportables ? Je ne pouvais pas reculer, j’avais décidé de jouer jusqu’au bout.
J'étais persuadée que ces craintes n’étaient que des fantasmes. À travers les messages que nous avons échangés, Sophie s'est montrée aimable et confiante.
Mercredi 20 novembre, à 14h30, nous nous sommes retrouvés au Lieu Unique autour d’un café. Désormais, Sophie avait un visage, un ton de voix et un regard. La confiance s’est installée dès le premier instant. Un premier tour pour se connaître nous a permis de nous sentir à l’aise. Nous avons passé en revu nos réponses, en essayant de comprendre les arguments sans couper la parole.
J’ai découvert que, derrière ses propos, Sophie avait à cœur son engagement envers l’écologie. Son activité professionnelle lui permet également d’accompagner des initiatives entrepreneuriales et elle est heureuse de pouvoir le faire avec dévouement et enthousiasme.
Au fil de notre conversation, nous avons convenu que les réponses aux questions proposées n’étaient pas complètement noires ou blanches. Entre les deux, il y avait une zone où l’on pouvait dire « oui, mais ». Par exemple : comment ne pas être d’accord de limiter la vitesse des voitures pour lutter contre le changement climatique ? Oui, mais, pourquoi limiter la liberté des citoyens quand on peut faire un geste encore plus fort comme la décarbonisation des transports ?
Les thèmes s’enchaînaient, permettant d’écouter et de s’ouvrir à l’altérité. L’accueil des étrangers sans limite ni préparation peut être un acte politiquement irresponsable. L’utilisation des smartphones par les collégiens nécessite un travail éducatif important de la part de tous. L’épanouissement individuel et la participation sociale sont les fruits du travail, à condition qu’il soit bien rémunéré et permette à l’individu le temps de s’adonner à des activités de loisirs.
Après deux heures et demie, nous avons conclu notre "grand oral" avec la conviction d’avoir passé un temps riche et plein de découvertes. Personne ne s’est imposé, ni n’a cherché à convaincre. L’expérience de parler de sujets clivants est possible.
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