J'ai pensé que Platon avait raison


Je t'ai vu ce matin sur la crique et j'ai pensé, pendant un instant, que Platon avait raison.

Tu as marché à côté de moi sans que je m'en aperçoive.

Silencieuse, comme un chat qui veut passer inaperçu sur le toit d'une maison.

Si je ne t'avais vu, je ne serais pas en train d'écrire ces mots, ni de gaspiller mon énergie et mon intelligence. 

Soudain, lorsque mes yeux ont réussi à te capturer avant que tu ne partes, comme un fantôme, je t'ai contemplé immortel.

Ta présence m'a fait plaisir, même si l'instant a été si éphémère et fugace. Tu m'as tenu compagnie, suivant ma respiration, essayant de percer mes secrets. En te regardant droitement, je t'ai offert mon sourire. Tu ne t'es pas sentie mal à l'aise. Pétrifiée dans ta position, tu as résisté immobile, inaltérable, noble. 

J'ai compris, par ta posture discrète, que tu me laissais la possibilité d'inventer, d'improviser un échange amical. Je t'ai proposé de finir ma ballade ensemble, de regarder la mer douce, de sentir la brise légère. J'ai été reconnaissant de ta volonté de tout accepter. J'ai pris mon appareil pour te prendre en photo. Tu étais gracieuse et abandonnée. Je me suis réjoui de mon exploit car ta silhouette était en parfaite harmonie avec le décor naturel qui t'entourait.

Ton image apaisée et muette m'a laissé le champ disponible pour te parler. Moi, qui suis un homme discret, trop introverti, qui doit chercher et rassembler ses mots, parfois sans succès. J'ai eu l'impression que dans ce domaine nous nous ressemblions, tous les deux. En effet, physiquement, nous avons la même taille.

Et j'ai osé te parler de ma vie, sans détour. Avec sincérité et librement. Tu as bien apprécié mon initiative. Je t'ai raconté des faits réels, pas des histoires. Ma vie, je te l'ai racontée en direct, sans pauses, en commençant par les derniers événements. Combien de patience tu as eue avec moi! 

Au fur et à mesure que mon récit avançait, je me demandais si tous les faits de ma vie étaient bien réfléchis et parlaient donc d'une vie authentique et non d'une fausse image de moi. Ma voix, à ce moment-là était moins claire, plus hésitante. Tu as bien fait de me laisser parler, sans me poser des questions. 

J'ai essayé de clarifier mes propos, mais le doute s'est installé entre nous deux. Je sais que tu crois que la vie n'est qu'un simple reflet d'une autre plus authentique. Mais, bon sang, je me résiste à penser que cette vie est comme un stage et qu'à la fin nous devons passer un concours pour être admis à la vraie vie!

La conversation est montée d'un cran et je voyais que cela te gênait. Ton silence donc devenait de plus en plus inconfortable et insupportable. Voyant que je ne pouvais pas te faire changer d'avis, j'ai décidé de mettre fin à notre conversation. Même si tu as été toujours avec moi, même si tu sais tout de moi, parler à son ombre est un exercice très ennuyeux.

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