Lettre à mes collègues le jour de mon départ

 

Chers collègues

Je partage avec vous la même profession, une même passion pour enseigner, un même désir de transmettre un savoir tout en accompagnant des élèves à devenir des citoyens et des personnes épanouies.

J’ai assumé depuis le mois d’avril avec prudence le remplacement de la professeure d'espagnol, car je n’ai pas d’expérience scolaire avec des enfants de la campagne. J’ai été averti bien sûr du petit niveau des élèves. Guidé par mon intuition je me suis efforcé de donner l’envie d’apprendre, de prendre le risque d’oser une autre langue. Je ne suis pas certain d’avoir réussi entièrement, mais j’ai gagné en expérience avec eux. J’ai apprécié le festival de fin d’année, une activité qui rassemble tout le collège et qui demande de la part des professeurs et administratifs l’envie de s’amuser.

J’ai été très surpris au début du mois de septembre par l’invitation qui m’a fait le directeur pour devenir PP. Je ne m’attendais absolument pas à exercer ce poste, pensais-je, réservé aux profs titulaires. Mais depuis ce jour-ci, j’ai senti à nouveau dans mon coeur le feu qui me brûle depuis tant d’années de pratique.

J’ai pris mes anciens vêtements de professeur et de conseiller d’orientation pour assumer avec responsabilité cette nouvelle charge. Très motivé j’ai mis tout de mon côté pour aider les élèves à mieux se connaître et les aider à tisser des liens entre eux. J’ai eu la chance de connaître et de dialoguer intensément avec chacun de mes élèves et de découvrir un peu plus la vie et le monde autour d’eux. C’était comme aller à la source qui me permettait de bâtir une relation pédagogique riche et nourrissante.

J’ai approfondi ma conviction de croire à la parole engagée avec authenticité dans un dialogue sincère et de vivre la rencontre comme un moment unique, comme si c’était le dernier jour de ma vie. Parfois les circonstances de la classe me permettaient de sortir enchanté, mais il y a eu aussi des moments gris. Dans notre métier nous ne pouvons pas assurer que nous allons réussir d’avance. Avec humilité je dois reconnaître mes échecs.

En quittant l’école, humblement, je vous transmets mes convictions pédagogiques les plus sincères. D’abord, en écoutant chaque élève j’ai vécu la grâce de l’accueil qui me permet d’être le pédagogue qui accompagne l’enfant dans le chemin de vie. Le regard de l’élève est pour moi le plus précieux cadeau qui m’invite à la réflexion et à la pratique bienveillante. Ce principe éthique que j’ai bien reçu de la part de mes professeurs, j’ai l’est rencontré aussi dans la philosophie d’Emmanuel Levinas et d’autres pédagogues français.

En résumé, je voudrais vous dire que j’ai essayé de faire de ma pratique une expérience qui met au centre la personne de l’élève. En échange, ils m’ont transmis leurs perceptions sur l’école, la famille, la société, leurs quêtes de sens, leurs tristesses et leurs joies. Ils sont arrivés à mettre en question mes manières d’enseigner. Je leur dois énormément car je m’en vais avec le coeur plein. De plus, l’expérience n’a pas pu être intégral sans le covid suivi du cross. Définitivement, j’ai eu le droit à une séance pleine. Je pars plus jeune, plus optimiste et plus joyeux.

Merci à vous pour votre accompagnement et pour votre patience au moment de lire cette lettre.

En attendant un nouveau poste je vous souhaite une belle continuation.

Avec amitié

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