Tu m’as dit à quoi ça sert d’aller manifester contre la guerre en Ukraine.
Ma détermination ne t’a pas convaincu. Après les infos du
soir, les villes continuaient à être pilonnées par l’armée russe.
J’ai pris le bus qui m’a emmené au centre-ville. Dans la
place Graslin la tête du cortège était prête pour commencer la marche, en
portant la devise « solidarité avec le peuple ukrainien » peint avec les
couleurs du drapeau.
En cherchant un endroit dans la foule, ta question
résonne encore dans ma pensée. Je suis disponible pour marcher avec des gens
que je ne connais pas, mais avec le sentiment de partager l’indignation pour
cette guerre.
Au moment de commencer à marcher vers le monument aux 50
otages, un avion en direction de l’aéroport de Nantes passe silencieusement. Je
me souviens du cri d’alarme du président ukrainien demandant la fermeture de l’espace
aérien. Quelle impuissance de savoir que l’envahisseur russe peut faire à son
gré sans que personne puisse réagir. Sous la menace de l’extension des attaques,
les nations européennes ont décidé de s’abstenir de défendre le pays le plus
fragile. La logique de la guerre totale veut nous paralyser et nous nous révoltons.
Il y a des milliers d’êtres humains qui échappent de l’apocalypse de Marouipol
et de Kharkiv.
Sans doute, tu as raison, marcher cet après-midi reste un
acte émouvant et d’empathie, mais inefficace pour stopper la guerre.
Devant moi je vois deux personnes qui portent le drapeau
polonais. L’un est grand et âgé et l’autre est une jeune fille. Deux
générations, l’un d’eux a connu probablement la Seconde Guerre mondiale ;
d’ailleurs je l’entends parler des faits entre les deux guerres. Derrière moi,
une femme qui porte le drapeau bleu et jaune, parle ukrainien avec un homme. C’est
l’amitié des nations qui nous rassemble.
Et pour l’instant,
à l’ouest de l'Ukraine, près de la Pologne deux nouvelles frappes sont tombés
sur les bases militaires d'Ivano-Frankivsk et de Loutsk. Quatre soldats
ont perdu la vie.
Je participe à un
chemin de croix du XXIè siècle. C’est ce que je pense lorsque par hasard le
cortège prend la rue du Calvaire. Des centaines des personnes sont dans les
trottoirs avec leurs achats. Ils nous regardent avec indifférence trop occupés à
leurs affaires.
A 3 500 km, les
habitants de Marioupol vivent leur propre calvaire. Privés de l’eau, de gaz et
l’électricité ils sont à nouveau ciblés par les bombardements des couloirs
humanitaires. Avec le cri « Poutine assassin », les 500 ou 700 que
nous sommes, nous n’avons pas réussi à changer le cours des événements.
Pendant les
discours au monument des 50 otages, un membre de l’association Franco-Russe de
Saint Nazaire nous lis la solidarité et les liens qui unissent les deux
nations.
Même, ce discours n’a
pas arrêté les bombes sur Mykolaiv, présage de la prise de la ville d’Odessa.
Nous n’avons pas
réussi à faire basculer l’histoire, tu as raison. Néanmoins, nous sommes fiers
d’appartenir à la race humaine qui se laisse toucher par la souffrance des
autres. Le silence de notre marche peut faire beaucoup de bruit à l’intérieur
des coeurs. Le mal, nous voulons le combattre avec les armes du bien. Crier la
colère en est un signe. Et je pense à l’orchestre symphonique de la philharmonie
nationale d’Ukraine que cette semaine a donné un concert sur la place Maïdan.
Si dans les moments
plus obscurs de l’histoire, l’humanité est capable de plus noble et beau, je
pense que je n’ai pas perdu mon temps cet après-midi.
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