Après avoir étudié la biographie d’un célèbre peintre et les verbes au pretérito perfecto simple en espagnol (le passé simple français), les élèves de la classe de 3ème. devaient écrire leur propre autobiographie.
Je leur avais demandé de sélectionner cinq épisodes dont
deux déjà étaient fixées : la naissance et une information d’actualité.
Pour le reste, ils pouvaient choisir l’entrée à l’école maternelle, une
activité sportive, un voyage ou le lieu de vacances, par exemple. Au total,
leurs récits devaient compter 100 mots à peu près. Finalement, le texte devait
être accompagné des images.
Parmi les élèves il a eu ceux et celles qui commençaient à chercher des images avant
de réfléchir aux textes qu’ils allaient rédiger. Il fallait les convaincre de
changer de stratégie pour se concentrer sur le contenu. Ceux et celles qui
avaient déjà commencé à rédiger, me demandaient comment dire un mot ou une expression
en particulier. Et d’autres voulant se rassurer de leurs écrits, me demandaient
mon avis.
En passant d’élève en élève, Julie m’a présenté son texte
(le nom a été faussé). Il était tellement simple qu’elle pouvait passer par une
élève de primaire. Outre le fait qu’il était plein de fautes, le nombre de mots
en total n’arrivait pas à la trentaine, très loin du but à atteindre. Je me
suis assis à son côté, surpris et touché par sa maladresse dans la langue. J’ai
pensé en moi-même, que la tâche était une pente lourde et fatigante à surmonter
pour elle, qui, grande en taille, semblait une petite gamine dans sa tête.
J’ai dû corriger toutes ses phrases et lui demander de me
dire en français ce qu’elle
voulait écrire en espagnol. J’ai vu qu’elle ne maitrisait pas non plus
l’écriture de sa langue. J’ai vu en elle l’échec. C’est dur, oui, c’est vrai.
J’ai persévéré à côté d’elle pour l’aider parce que j’ai vu qu’elle faisait
l’effort de se concentrer et de progresser. Pour moi, c’était un cri d’alerte,
un appel à repenser mes cours, à réfléchir sur le niveau demandé à mes élèves.
Je pense aux julies, silencieuses et invisibles, qui se
cachent dans les salles de classe par peur d’être découvertes. Quelques semaines
plus tard, elle m’a avoué qu’elle cherche un établissement pour l’année
prochaine. Elle n’envisage pas de continuer le lycée traditionnel. Elle avait
souffert de la moquerie d’autres élèves parce qu’elle avait du mal à apprendre
ses leçons. A son âge, elle
connaît déjà les coups d’une vie sociale qui vise à séparer les bons élèves des
mauvais. Je cherche à lui transmettre une confiance et une sécurité en
elle-même. Je valorise ses réussites parce qu’elle est capable d’écrire quelque
chose de mieux. C’est une goutte dans l’océan, je le sais, mais elle m’a ouvert
les yeux. J’espère continuer d’apprendre de mes élèves qui sont très souvent une
source de fatigue, mais bien d’autres fois, de l’énergie.
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