Dans une classe de 4ème, Bastien est un garçon aussi grand qu’il a des
difficultés à s’assoir à son bureau, devenu trop petit pour lui. Lors d’un
cours du mois de janvier il était particulièrement tranquille. La classe avait
vécu de nombreuses absences liées au virus et le fait d’avoir moins d’élèves à
un moment donné facilitait la concentration de ceux qui étaient présents.
Les élèves devaient faire une compréhension orale à
partir d’un enregistrement sonore. Après trois écoutes, ils avaient compris en
général le sujet, mais ils n’arrivaient pas à faire une compréhension plus fine
du contenu. Pour les aider je leur faisais écouter chaque phrase. Ils apprenaient
les expressions espagnoles pour fixer un rendez-vous, comment s’excuser ou
accepter. Entre les mots à apprendre il y avait « vale ». En
expliquant sa traduction, j’ai entendu Bastien dire : « qu’est-ce
que c’est compliqué » ! Mon regard s’est arrêté un instant sur lui.
Voyant que dans son expression il y avait une certaine naïveté, je lui ai dit :
« est-ce que chez toi, vous parlez une autre langue ? ». « Non,
tout le monde parle français,
mais il est compliqué l’espagnol », m’avait répondu. Dans le dialogue qui
s’est suivi, j’ai compris que le vocabulaire le mettait mal à l’aise. L’espagnol
devait le bousculer de sa position de confort pour essayer de s’ouvrir à une
autre culture. « il me semble que tu dois faire un effort pour ouvrir un
peu ton esprit ; probablement, tout le monde ne va pas parler ta langue »,
c’était ma conclusion avec lui.
Est-il si compliqué d’apprendre une langue étrangère et
particulièrement en pandémie ? Aujourd’hui, je suis en mesure de répondre
affirmativement à cette question. Outre le fait que porter le masque nous a
empêché une meilleure communication et l’apprentissage de la phonétique, les écoles
et lycées ont dû arrêter tout projet d’échange à l’étranger. Concernant le
premier point, l’évidence nous montre qu’il ne suffit pas de dire aux élèves d’écouter
attentivement un enregistrement. Dans la communication interviennent aussi les
gestes du visage et la position des lèvres, entre autres.
Par rapport aux échanges culturels à l’étranger, nous
avons constaté avec les professeures de langue dans une réunion, le lendemain
de l’épisode avec Bastien, combien les voyages d’études motivaient les élèves à
l’apprentissage de la langue.
D’autres moyens de mettre en lien les élèves étaient
aussi possibles comme celui que j’ai établi ponctuellement avec une classe de 4ème
aussi. Lors de la journée européenne des langues, j’avais proposé à une classe
d’écrire des messages de solidarité aux habitants de l’île de La Palma, en
Canaries, qui étaient touchés par l’éruption du volcan Cumbre Vieja. Grâce à l’internet,
j’avais collecté tous les emails du conseil municipal. Pour sensibiliser les
élèves j’avais montré les images du volcan et une interview à la maire où elle parlait
de l’impuissance face au phénomène et le sentiment des voisins. Ils demandaient
aux autorités de ne pas les abandonner dans telles circonstances. Cette phrase
a été l’élément déclencheur du message de soutien, accompagné d’une photo de la
classe. Quelques jours plus tard, j’ai eu des réponses et même, la photo et
notre lettre avaient été postées sur un journal digital de La Palma. Quand j’ai
montré le journal aux élèves ils étaient euphoriques, ils se sentaient
importants.
C’était une initiative intéressante pour éveiller nos
élèves à une solidarité ponctuelle, tout en stimulant l’apprentissage d’une
langue. Désormais, nous espérons que le retour à la vie d’avant nous permette
de récupérer le temps perdu pour que les jeunes comme Bastien puissent sentir
que la langue n’est pas un problème sinon une possibilité de découvrir une culture
différente.
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